Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

EXECUTIF. 207

En vain les équipages demandaient à faire feu sur les Anglais, pour troubler leur manœuvre, l'amiral n’en donna le signal que lorsque toutes les dispositions étaient faites pour assurer la perte de la flotte française. La moitié de l’escadre de Nelson se trouvant entre l’escadre française et la terre, il ne combattit que les sept premiers vaisseaux français ; les six autres, restés à l’ancre sous le vent, ne prirent aucune part à cette première action. Sept vaisseaux français attaqués par quatorze vaisseaux anglais devaient succomber. Le vaisseau l'Orient de cent - vingt canons sauta en l'air ; les autres, sur le point de couler bas, amenèrent leur pavillon. Alors Nelson attaqua le Tonnant, l’' Heureux, le Mercure, le Timodéon, le Guillaume- Tell et le Généreux, qui terminaient la ligne francaise. Le Timoléon, plutôt que d'amener son pavillon, se brisa à la côte, après avoir mis à terre son équipage. Le Tonnant, l’Heureux et le Mercure furent pris. Le Guillaume- Tell et le Généreux brisèrent leur câbles, et échappèrent au désastre commun.

Le résultat de cette funeste bataille fut pour les Français la perte de onze vaisseaux de ligne et de deux frégates. L’amiral Brueys fut sauvé de l'horreur de survivre aux suites affreuses de son imprévoyance et de son obstination. Ilse battit avec un courage trop inutile; un boulet de canon l’emporta avant que le feu prit au magnifique vaisseau l'Orient. Le capitaine de ce même vaisseau, Casa-Bianca, avait été blessé mortellement. Son jeune fils, âgé de dix ans, lui prodiguait des soins et refusait de l'abandonner, tandis que la flamme dévorait déjà plusieurs parties du vaisseau et annonçait à tout l’équipage une destruction certaine. Le malheureux père parvient enfin à le placer sur un mât qui est jeté à la mer. Mais tout-à-coup le vaisseau saute avec un fracas horrible, et ses éclats engloutissent cet enfant généreux. Le capitaine de vaisseau Dupetit-Thouars, qui avait commandé une expédition pour la recherche de La Peyrouse et qui montait le Tonnant, se battit jusqu’à la fin de Paction ; il obtint la mort.

La relation de M. Denon offre le plus terrible tableau de cette bataille d’Aboukir, considérée du rivage par des Francais qui ne pouvaient setourir leurs compatriotes , et qui, les regards long-temps fixés sur les débris de leurs vaisseaux, se peignaient tous les malheurs qui menacaient leur patrie, etse voyaient perdus pour elle. Mais l’inébranlable constance du général revint bientôt fortifier l'ame des soldats. On se voit exilé, mais cet exil peut devenir la conquête de tous les pays soumis par Alexandre, Bonaparte s'occupe avant tout de son premier plan, c’est-à-dire de fonder une colonie flo-