Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
EXECUTIF. 235
pour déclarer qu’il se dépouille de la magistrature populaire
qui lui a été confiée; il dépose sur le bureau son manteau, sa
toge, son écharpe. La fureur s'accroît à cet acte qui semble
annoncer la dissolution du conseil. Les jours de Lucien Bona_
parte sont en péril ; mais le général avait envoyé au secours
de son frère plusieurs grenadiers qui traversent les rangs des
factieux, arrachent du milieu d’eux Lucien Bonaparte. Il sort
sous leur égide. Les soldats frémissaient depuis long-temps
autour de la salle. Animés par la véhémence militaire du
général Lefebvre , et bientôt par les discours éloquens et
passionnés du président même du conseil des cinq-cents, ils
demandent l’ordre de dissoudre cette assemblée anarchique.
Bonaparte le donne. Les portes s'ouvrent devant des grena-
diers qui s’avancent au pas de charge. L'ordre de se retirer
est signifié deux fois. L'assemblée reste immobile à cette som-
mation. Elle est réitérée en ce termes : « Représentans, reti-
rez-vous, le général a donné ses ordres ». On hésite encore.
Grenadiers, en avant ! s'écrie un chef de brigade. Ceux qui
tout à l'heure tenaient sous des poignards le vainqueur de
Yltalie et de l'Egypte fuient en montrant tous les vertiges de
la peur. Ils gagnent les issues, sautent par les croisées, s’é-
vadent par les jardins, se dépouillent, en courant, du cos-
. tume qui pourrait les trahir. Ceux des députés qui, pendant
toute la durée de cette terrible journée, avaient été oppressés. par la violence de leurs collégues, se rallient autour du géné. ral. Bientôt une autre assemblée se forme à la place de celle qui vient d’être dissoute. C'est Lucien Bonaparte qui la préside. La nouvelle de la déroute des fauteurs de l’anarchie vient tirer Paris des alarmes auxquelles des bruits successifs l’avaient livré : jamais plus de joie n’a éclaté dans cette capitale. Les deux conseils restent assemblés durant la nuit. Tous les projets médités avant le 18 brumaire recoivent leur exécution. Un régime provisoire est établi; mais tel, qu’il annonce la force, et fait même présager l’unité à laquelle le gouvernement doit s'élever. Telle fut la dernière journée de la révolution francaise,