Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

INTRODUCTION. 19

les événemens politiques et militaires qui détachèrent de la ligue ces deux puissances.

Le roi de Prusse, Fréderic-Guillaume, eut un de ces caractères inquiets, ardens, qui sont séduits, mais qui ne sont point dominés par la gloire. S'il s’écartait des routes ordinaires de la politique, c'était pour être imprévoyantet présomptueux sous une vaine couleur d’héroïsme ; s’il rentrait dans la

olitique, il embrassait sans scrupule et sans pudeur toutes he ressources qu’elle lui offrait. Soldat valeureux dans un jour d’action, les forces de son caractère, non plus que celles de son esprit, ne suflisaient point à une campagne. Il avait dissipé les trésors du grand Fréderic, soit dans l'expédition dont il avait follement espéré la conquête de la France, soit dans des prodigalités qui n’avaient attiré sur lui ni sur sa cour aucune renommée de galanterie, de magnificence. Dans le cours de la guerre, trois faits militaires avaient signalé les armes prussiennes, la reprise de Mayence, les lignes de Weissembourg forcées, et une victoire remportée par le duc de Brunswick à Kaïserslautern. Mais celle-ci n'avait point eu de suites importantes; les lignes de Weissembourg avaient été reprises par les Français, et enfin ils se disposaient à investir de nouveau Mayence. Le terriloire prussien était envahi dans les duchés de Clèves et de Juliers; le stathouder était dépossédé. Dans de telles circonstances, Fréderic-GuilJaume désira la paix avec la république française. Elle fut négociée à Bâle, entre Barthélemy, ambassadeur de la république auprès de la Suisse. et le baron de Hardenberg, et conclue le 5 avril 1795.

La France annonça à l’Europe l'étendue de ses prétentions, en retenant ce qu'elle avait conquis dans les possessions prussiennes situées sur la rive gauche du Rhin. Mais, par des combinaisons habiles, auxquelles les événemens postérieurs donnèrent une grande force, le roi de Prusse acquit en Allemagne un pouvoir de protection bien propre à rivaliser avec celui de l’empereur. La France s’engagea à ne point porter la guerre dans ceux des états germaniques qui sont situés sur la rive droite du Rhin; Fréderic-Guillaume les engageait avec Jui dans la neutralité. Les états catholiques supportèrent tous les fléaux de la guerre, dontles états luthériens furentexempts, si l’on en excepte les faibles contingens qu’ils continuèrent à fournir. Ils prirent plus d'ascendant à la diète; le roi de Prusse en exerça un plus direct sur eux. Ainsi fut préparé un grand changement dans la constitution germaniqne. La ligue protestante obtint, grâce à une neutralité tardive, plus d'influence en Allemagne que les victoires des héros suédois et celles de Turenne et de Condé r’avaient pu lui en assurer à l’époque du fameux traité de Westphalie.