Relation des faits accomplis par les révolutionnaires genevois de 1794 à 1796 : extraite d'ouvrages contemporains, et suivie de documents inédits
— JG —
Comme il arrive presque toujours en pareil cas, quelques individus, les plus menacés par le cri de mort, y ont échappé, tandis que la fureur du peuple est tombée sur ceux qu’elle avait paru d’abord désigner le moins. L’un des juges, devenu tout-à-coup favorable à Bellamy, l'une des victimes les plus marquées, ouvrit en public l'avis de sa grâce en ces termes : Si le bon Dieu m avait dit ce matin : « Tu feras grâce à cet aristocrate, » je lui aurais répondu : « Bon Dieu, tu en as menti!» Cependant, vu sa défense, je lui fais grâce de la vie. Un autre juge termina son avis par ces mots : On nous dit, il est vrai, que cel accusé a des vertus domestiques; mais Naville en avait aussi. Je l'ai condamné à mort. Que ce dernier y marche comme lui. J1 ne fut condamné qu’à la confiscation et à l'exil. Telle est l’extrème incertitude des choses humaines, dans toute révolution de ce genre, que Navülle, avant d'aller devant le Tribunal où il était traduit, embrassa iendrement ce prisonnier, à qui le cri public semblait réserver un sort plus fatal que le sien; il lui promit même de prendre soin de sa famille; cependant Navwille périt, et Bellamy ful sauvé, quoique l’un de ses juges lui fit un crime digne de mort d’avoir épousé une femme riche, et terminât le tableau de ses accusations par ces mois remarquables : Mais qu'est-il besoin de te chercher des crimes? Tu as été Ministre, et qui dit Ministre, dit l'amas de la turpitude, celui de la perfidie, et l'ensemble de tous les crimes.
D'immenses sacrifices pécuniaires ont sauvé la vie à plusieurs autres victimes qui paraissaient dévouées au même sort; et les pouvoirs du Tribunal s'étant enfin trouvés expirés, il a été forcé de terminer, le 40 du cou-