Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

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et de Varna. Il avait même tenté d'occuper Vratsa, mais n'avait pu y réussir. Dans un diocèse épuisé par les troupes des pillards, des rebelles et du sultan, Sofroni avait grand’ peine à recueillir, au péril de sa vie, les ressources nécessaires pour lui permettre d'entretenir ses enfants et de subsister lui-même. Sa vie était souvent menacée. Une fois il dut rester caché dans une grotte pendant vingt-quatre jours. Un autre fois il dut se cacher... dans un harem turc. Il se trouva, bien malgré lui, interné pendant trois ans à Viddin, où il dut, par ordre de Pasvan Oglou qui jouait au souverain, remplir les fonctions épiscopales.

Désespérant de pouvoir terminer en paix sa carrière dans son diocèse de Vratsa, il finit, dans le courant de l’année 1803, par se réfugier en Valachie. Cette province était à l'abri des troubles qui désolaientles pays bulgares. Protégée par la Russie, elle jouissait d’un bien-être relatif sous le gouvernement du prince Constantin Ypsilanti, auquel Sofroni donne, dans ses Mémoires, le titre de bey. Le prélat fugitif fut accueilli avec sympathie par Mgr Dosithée, métropolitain de Hongrie-Valachie. Ce haut dignitaire de l’église orthodoxe obtint du Saint-Synode que Sofroni fût relevé de son évêché, lui offrit une cellule dans son palais et l'autorisa à remplir en Valachie son ministère ecclésiastique. Les réfugiés bulgares étaient nombreux au Nord du Danube.

D'autre part, le grec, alors fort usité en Valachie, était familier à Sofroni. Plusieurs documents ecclésiastiques rédigés en Valachie portent sa signature dans cette langue.

Ce n'était pas sans regrets que le prélat avait abandonné son pays et son troupeau. Il profita de la tranquillité dont il jouissait à Bucarest pour écrire ses Mémoires, qui constituent assurément une des pages les plus curieuses de de l’histoire intérieure de l'empire ottoman à la fin du xvru* siècle. C’est un récit très court, mais très sincère et très naïf. Il se termine par une page qui est vraiment touchante : ‘