Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires
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Le métropolitain Brankovitch était un homme ambitieux, d’une moralité douteuse. Pour relever son prestige il imagina, sans aucune raison légitime, de se rattacher à l’antique famille historique des Brankovitch qui au quinzième siècle avait fourni deux despotes! à lanation serbe. Il initia de bonne heure son jeune frère à ces prétentions peu Justifiées et entreprit de le préparer à la carrière diplomatique et politique. La Transyvalnie avait une agence à Constantinople ; et cette agence avait naturellement besoin d’un drogman. Le jeune Georges avait eu l’occasion d'apprendre le turc etle magyar. La connaissance du latin était indispensable ; c'était dans les régions orientales, avant le français, la langue internationale de la diplomatie. Georges Brankovitch, l’apprit de son mieux, avec des maîtres assez médiocres. Il savait encore le roumain qu'il eut l’occasion de pratiquer durant ses divers séjours en Valachie. Sa langue maternelle était le serbe ; mais, suivant la mode de ce temps, il ne l’écrivait pas ; il écrivait un idiome composite où dominait le slavon ecclésiastique. Enfin plus tard il apprit l'allemand. Il lisait beaucoup dans toutes ces langues, mais sans méthode et sans critique, comme le font le plus souvent les autodidactes.
En 1663, à l’âge de dix-huit ans, Georges Brankovitch fut envoyé chez les Tures en compagnie d’un ambassadeur chargé de porter le tribut à la Porte. Le voyage fut très compliqué; la mission gagna d’abord Belgrade, puis Nich, Sofia, Philippopoli et enfin Andrinople où le sultan se plaisait volontiers à résider. Au bout de quelques mois le chef de la mission mourut subitement et Brankovitch dut remplir ses fonctions jusqu'à l'arrivée du successeur, — lourd fardeau pour un jeune homme de dix-neuf ans. Il a laissé une chronique sur laquelle nous reviendrons tout à l’heure. Il y raconte non sans une certaine satisfaction, comment il fut reçu en audience par le Kaïmakan Kara Mustapha qui
1. Ce titre fut porté à diverses reprises du xIH° au Xv° siècle par des princes plus ou moins indépendants en Serbie, en Épire et en Morée.