Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt

14 J. CART

page de la chambre de Sa Majesté. L'Impératrice le fit mettre à genoux, lui fit jurer fidélité entre ses mains ; puis elle lui donna un soufflet par accolade, avec une jolie épée. Depuÿs ce jour-là, le jeune page était logé au palais, et les jours où était de service il ne quittait pas l’antichambre de Sa Majesté. Ml: L. ajoute « C’est un placement pour la suite. » On pourrait se demander quelle fut cette suite pour le jeune page, et peut-être ne serait-il pas impossible de répondre. Il nous paraît infiniment probable que c'est de lui qu'il est question dans les mémoires du général Marbot. Compagnon d'enfance d'Alexandre 1°" dont il devint l’aide de camp, le jeune Czernicheff fut envoyé par son souverain auprès de Napoléon. En 1805, devenu colonel, ilétait à Vienne dans le but de tenir Alexandre au courant des succès et des revers des Français. Il avait été très bien accueilli par Napoléon; mais, à Essling, croyant à la défaite des Français, il tourna bride et courut à-SaintPétersbourg. Napoléon en fut très mécontent. Toutefois, après la conclusion de la paix avec l'Autriche, Czernicheff vint à Paris en 1810 et 1811 et il y joua un certain rôle. Vers la fin de 1811, ayant éveillé l'attention de la police impériale, et étant accusé d'avoir corrompu deux employés du ministère de la guerre qui lui vendaient les états de situation de l'armée française, il s'enfuit et rentra en Russie. Napoléon fit alors publier dans tous les journaux un article virulent contre lui et la cour de Russie. Devenu officier général, il fut placé à la tête d'une division de trois mille cosaques. Marbot raconte qu'à la bataille de Hanau, en 1813, ce général fut hué par les Autrichiens et les Bavarois parce que, avec ses cosaques, 1l s'éloigna du champ de bataille, sous prétexte de fourrager ses chevaux. Après cet exploit, il fut caricaturé partout en Allemagne.

À l'occasion d’une cérémonie qui se célébrait tous les trois ans, M: L. raconte ceci : « 29 janvier 1786. Nous avons eu cette semaine plusieurs fêtes à propos de l'élection des magistrats dans le gouvernement de Saint-Pétersbourg. Comme c'est une franchise que l’Impératrice accorde à ses sujets, elle va pour l'ordinaire à la campagne pour ne point gêner les élections par sa présence, ou, si elle reste en ville, elle se tient à l'Hermitage les trois jours que dure la cérémonie et y garde l’incognito. »