Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

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être intéressant de leur en faire connaître certains détails. Lorsque l'ennemi est éloigné, un bivouac se supporte assez gaiement : la troupe allume de grands feux, prépare son ordinaire, et la nuit se passe sans trop de souffrances. Mais, quand l’ennemi est proche, il est expressément défendu d’attirer son attention. La forêt que nous occupions était de haute futaie, les arbres assez épais, la terre et les sapins couverts de neige; comme nous n’avions presque rien mangé pendant la journée, le bivouac était fort peu récréatif, surtout à cause du voisinage des Russes. La nuit venue, chaque soldat prit son sac en guise d'oreiller, et la neige pour matelas, avec son fusil sous la main. Un vent glacial soufflait avec force ; nos hommes se rapprochaient les uns des autres, pour se réchauffer mutuellement. Les sapins les plus gros avaient retenu la neige, et, sous cette espèce d’ombrage, nous souffrions moins. Nos vedettes étaient à leur poste, et les officiers, la plupart appuyés contre un arbre, redoutant une surprise, ne fermérent pas l’œil de la nuit. Nos réflexions étaient loin d’être couleur de rose; la faim et la soif nous talonnaient, et nous sentions que, le jour venu, nous aurions de rudes combats à soutenir ; mais