Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

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commença ses plaintes, et paraissait avoir oublié les observations du général. De temps à autre, il prenait sa longue-vue. Connaissant les mouvements de l’armée russe, qui arrivait à marches forcées des bords du Dnieper, il craignait d’être coupé et à la merci de l’ennemi, qui voulait nous envelopper de trois côtés à la fois, avant que les ponts fussent achevés. Je ne sais si je me trompe, mais je crois que ce moment fut un des plus cruels de sa vie. Sa figure ne trahissait cependant pas d'émotion ; on n’y reconnaissait que de l’impatience. Nous passâmes sur la droite de la Bérésina. Le pont me parut peu solide. Nous le traversämes avec le vaillant régiment de cuirassiers, colonel Doumerc, et les Suisses des trois autres régiments, en tout environ huit mille hommes d’élite. C'était le 27 novembre au soir. En débouchant sur la rive droite, nous rencontrâmes quelques voltigeurs d'avant-garde russe, qui furent délogés dans la soirée. Nous nous installâmes, pour passer la nuit du 27 au 28, dans un bois, à portée de canon du pont que nous venions de traverser.

Pour plusieurs de mes concitoyens qui ne connaissent pas l'agrément d’un bivouac, il sera peut-