Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

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question. Je répondis sans préambule : « Sire, tant de soldats, tant d'officiers. » Il ne répondit pas et passa outre. Napoléon n’était plus le grand empereur que j'avais vu aux Tuileries ; il avait l'air fatigué et inquiet. Il me semble encore le voir avec sa fameuse redingote grise. Il nous quitta au galop, parcourut tout le deuxième corps d'Oudinot. Je le suivais des yeux, quand je le vis s'arrêter devant le premier régiment suisse, qui se trouvait dans notre brigade. Mon ami, le capitaine Rey, fut à même de le contempler tout à son aise : comme moi, il fut frappé de l'inquiétude de son regard. En descendant de cheval, il s'était appuyé contre des poutres et des planches, qui devaient servir à la construction du pont. I baissait la tête, pour la relever ensuite d'un air de préoccupation et d’impatience ; et, s'adressant au général du génie Eblé :

« C’est bien long, général! c’est bien long! » « Sire, vous le voyez, mes hommes sont dans Veau jusqu'au cou, les glaçons interrompent lear travail; je n’ai point de vivres et d’eau de vie pour les réchauffer. » — « Assez! assez! » répondit l’empereur ; puis il se mit de nouveau à regarder la terre. Peu de moments après, il re-