Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

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à quoi toutes ces richesses pourraient nous servir.

L'empereur était dans le voisinage, et cherchait à dégager les débris de la grande armée. Elle avait quitté Smolensk, poursuivie par les Russes et les Cosaques de Platoff, et elle se dirigeait à marches forcées sur la Bérésina. Le pont de Borisow étant brülé et ne pouvant être rétabli, Napoléon ayant ordonné de détruire les équipages de ponts, nous reçûmes l’ordre de rétrograder et de marcher sur Studianska. Le maréchal Oudinot nous commandait toujours. Deux ponts étaient presque achevés sur la Bérésina. Les pontonniers, sous les ordres du général Eblé, avaient fait là un travail au-dessus de tout éloge, malgré les glaçons qui encombraient la rivière. L’un des ponts devait servir à l'infanterie, l’autre à l'artillerie et à la cavalerie. Le jour où nous allions traverser sur la rive droite, l’empereur vint à nous, et s’adressant vivement à notre colonel: « De quelle force est votre régiment, demanda-t-il? » Le colonel, surpris par une demande si brusque, ne répondit pas sur le champ. Je vis dans le geste de l’empereur l’impatience, et dans son regard l’irritation. Se tournant rapidement vers moi, qui n'étais qu'à quelques pas du colonel, il m’adressa la même