Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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86 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR

nemi y revint-il et reprit-il le village. Mais le maréchal Ney y envoya le 6° régiment d'infanterie légère et le 39° de ligne, qui l’occupèrent définitivement (1).

Je retournai auprès du maréchal, à Althof : il recevait les officiers de l'Empereur. Là, nous apprîmes qu’une affaire épouvantable avait eu lieu à Eylau; que la moitié de l’armée était gisante sur le champ de bataille ; que le corps d’Augereau (VIT*) avait été totalement détruit; que les deux armées s'étaient mutuellement écrasées, sans qu'aucune d’elles pût se flatter d’avoir gagné la victoire; que, le pont de la Vistule étant coupé, nous étions ainsi séparés de notre grand parc d’artillerie placé derrière ce fleuve; que nous n’avions plus de cartouches; et qu’enfin, toute la magnifique armée française n’offrant plus que des débris, il était impossible de résister à une nouvelle attaque, si elle avait lieu le lendemain.

Pendant la nuit, la terreur régnait dans l’armée française : plus de munitions! Les états-majors étaient dans la stupeur. L'ordre fut donné pour la retraite que, dès les 3 heures du matin, on effectua dans le plus grand silence. Cependant, on multiplia les feux de nos bivouacs, afin de faire croire à l'ennemi que des renforts nous étaient arrivés

(4) Le retour offensif sur Schmoditten, dont il est question ici, fut tenté, la nuit venue, par Benningsen à l’aide des derniers grenadiers de sa réserve, pour dégager la route de Kœnigsberg et faciliter la retraite. (Note de l'éditeur.)