Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

90 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR

être sauvés, ordonna à tout son corps d'armée de se dévouer; il prescrivit à chacun de nous d’employer tous nos moyens pour transporter le plus de blessés que nous pourrions; sa voiture, ses équipages furent, dès ce moment, affectés à ce service. Dès le lendemain matin, s'établit un long convoi. Je ne puis dire les milliers de blessés qui se trouvaient hissés sur des voitures ou sur des chevaux, mais le convoi formait bien une lieue de longueur. Nous marchions ainsi recevant des flots de neige qui obscurcissaient le jour, et nous suivions des chemins impraticables lorsque, vers midi, nous fâmes attaqués' par des milliers de Cosaques. Il fallait résister, et comment le faire et défendre en même temps le convoi? Bientôt, la tête de celui-ci s'arrêta, les soldats du train et les conducteurs des équipages, ne se voyant plus protégés, prirent la fuite; et la file des voitures resta au milieu des champs. Je passais le long de ces braves officiers et soldats ; ils me tendaient la main, et, levant les yeux au ciel, ils me disaient : « Vous nous abandonnez donc? Mon Dieu! faut-il mourir ainsi? »

Si l’armée française avait essuyé des pertes cruelles par la bataille d'Eylau, au point qu'il lui était impossible de continuer la campagne, l'Empereur ne s’en affecta point, convaincu que l’armée russe n’avait pas moins souffert et avait également besoin de repos. Il ne crut pas devoir repasser la Vistule et prit avec témérité, en avant de cette