Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

LES THÉATRES DU BOULEVARD. 169

du rouge pour aller faire une visite : je dinais ce jour-là chez lui. » Plus loin, en passant en revue les différents sujets de la troupe de Nicolet, l’'anonyme trace de nouveau le portrait de Mayeur dans des termes aussi peu flatteurs : « Peindrai-je sa suffisance ? Ce défaut qu’il possède au suprême degré est si généralement connu que ma peinture serait inutile et déplacée. Arrêtons-nous seulement sur les bonnes fortunes de ce morveux. Qui croirait, en effet, que nos élégantes françaises, si connaisseuses en vrai mérite, puissent s'arrêter un moment à la chétive apparence de Mayeur, et que cette Alphonsine, si connue, si renommée pour toujours viser à l’essentiel, ait pu Padorer pendant quinze jours au moins ? » On comprendrait, à la rigueur, qu'un fat, désireux de vanter ses bonnes fortunes, les mît en relief, sous couleur de s’en étonner; mais ce qu'on voit plus rarement, c'est un auteur dépréciant ses propres ouvrages. Or le chroniqueur anonyme reproche à Mayeur d’avoir maladroitement copié un roman de l'abbé Prévost. Il repousse d’ailleurs formellement l'accusation d’avoir écrit le Chroniqueur désœuvré : « Quand mon premier volume fut jeté comme une bombe au milieu de tout ce peuple histrion, les différents éclats qui se dispersèrent donnèrent lieu à mille con15