Théveneau de Morande : étude sur le XVIIIe siècle

MORANDE ET LE DUC DE CHARTRES. 227

de telles armes pour ruiner la réputation d’un prince de sang royal, elle se faisait d'abord un ennemi irréconciliable et détruisait du même coup le prestige, déjà bien affaibli, de la monarchie traditionnelle.

Le temps marchait, et chaque jour, chaque heure rendaient la catastrophe plus inévitable. Après lorgie financière du ministère de Calonne, après la scandaleuse affaire du Collier, voici que la grande voix de la nation commence à se faire entendre, aidée par la maladresse et limprévoyance du gouvernement. L’Assemblée des Notables, convoquée par Calonne, c'est déjà la préface des États-Généraux et de l'Assemblée Nationale. Tous ces courtisans, toutes ces belles femmes poudrées et fardées qui remplissent encore les salons de Versailles, dans lenivrement de leur dernière fête, commencent à entrevoir le suprême dénouement, le déluge prédit par Louis XV. Le vieux Richelieu plaisante et le jeune Ségur s'indigne. Il n'y a plus ni autorité ni pouvoir. Qu'est-ce qu'un roi comme Louis XVI, en face de tout un peuple qui ne veut plus de la livrée ? Qu'est-ce qu'une cour qui s'appuie sur des Brienne pour détourner la tempête? La France passe « du chaos tranquille au chaos agité », comme disait Mirabeau. Chose étrange ! les vieilles institu-