Trois amies de Chateaubriand

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PAULINE DE BEAUMONT 29

pour accompagner Madame, femme du comte de Provence.

Cela, deux ans avant la prise de la Bastille par le peuple révolté. Pareillement, c'est en 1787 que le jeune Chateaubriand fut mené à la cour, présenté au roi, admis au privilège de la chasse royale.

Les deux années qui ont précédé la Révolution furent très brillantes, pour la comtesse Pauline de Beaumont. Elle fit les honneurs du salon de son père. Et l’on menait train magnifique, rue Plumet, chez M. de Montmorin. On dépensait beaucoup d'argent. Soixante serviteurs, vingt-quatre chevaux d’écurie, un piqueur, et les cochers, les postillons, les palefreniers. Les gages de ce nombreux domestique s’élevaient à près de quarante mille livres annuelles, sans compter — c’est le mot! — treize mille livres pour l’habillement de tout ce monde, quinze cents livres pour les seuls chapeaux. Une table renommée : la bouche coûta, pour onze mois de 1787, cent soixante-quinze mille francs; les vins en plus, de quatre à cinq cents boutcilles par mois, et bonnesi.

Il y a un portrait de Mme de Beaumont qui date de cette époque; il est de Mme Vigée-Lebrun. L’on ne peut dire qu’elle y soit exactement jolie. Le visage est maigre, les traits sont aigus. Seulement, les yeux longs et minces ont une merveilleuse vivacité de regard, une exquise langueur en même temps. La

1. J’emprunte ces détails au très intéressant ouvrage de M. FréDÉRIC MASSON, Le département des Affaires étrangères pendant la Révolution (Paris, 1877), Appendice : Les dettes de Montmorin.

CA