Trois amies de Chateaubriand

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balas et enfin mille coquetteries; et vous remarquerez que cette époque était frivole admirablement.

Allez, s’il vous plaît, aussi à Saint-Quentin; et donnez quelques heures à songer dans le petit musée où sont les pastels de La Tour. Vous y verrez le trop joli visage de tant de dames qui étaient encore jeunes quand la Révolution les a surprises. Elles sourient toutes. La mince ligne de leurs lèvres, les commissures qui s'épanouissent comme des fleurs d’ombre et les fossettes de leurs joues révèlent une enfantine ct gaillarde insouciance. Quelques-unes un peu sensuelles, et d’autres qui ont de menus chagrins d'amour, et d’autres qui ne savent pas, mais qui, à tout hasard, font les gentilles. Pauvres petites! et qui, en effet, ne savaient pas du tout! Ah! qu’elles sont futiles; et quelle grâce il y a, quel héroïsme aussi, dans cette imprévoyante futilité!... I

Ce sont, à Saint-Quentin, les préparations de La Tour. Il ne copiait que les visages, non le reste. Et alors, ces visages sans corps apparaissent comme autant de têtes qui ont subi la guillotine, — et qui sourient, martyrs aimables de leur frivolité.

Ils semblent dire, ces visages : — Voyez-nous, qui avons été surpris dans l'amusement de nos fêtes ga-

lantes! Telle fut la fine société française, que la brutale

Révolution secoua, tua.