Trois amies de Chateaubriand

PAULINE DE BEAUMONT 57

gentiment fidèles. L'histoire doit enregistrer lesnoms modestes de Dominique Paquereau et du ménage Saint-Germain. La destinée avait choisi ces humbles personnes pour sauvegarder de mourir une jeune femme qui accomphrait ici-bas une mission précieuse.

Mme de Beaumont était là depuis plusieurs semaines, dans cette compagnie paysanne, en détresse d'âme et de corps lorsque survint un ami imprévu, un incomparable ami, l’étonnant Joubert.

Il avait une quarantaine d’années; 1l s’était marié au moins de juindelannée précédente et il habitait, dans le voisinage, à Villeneuve-le-Roi qu'on appela désormais Villeneuve-sur- Yonne : ainsi le voulut l'exigence républicaine des penseurs; ils sévissaient alors déjà.

Dans sa tranquille demeure, en compagnie de sa femme, Joseph Joubert aimait ses livres. Il les avait ingénieusement préparés pour son usage, déchirant les pages qui lui déplaisaient, laissant les dos un peu larges plutôt que de s’encombrer d’un fâcheux et vain bavardage. Cette bibliothèque aimable et l’habitude qu’il avait prise de passer beaucoup d’heures à regarder en lui-même et puis à noter, avec un soin méticuleux, ce qu’il y observait d’intéressant en fait d'idées, de sentiments et d’émois divers, enfin cet amour du repos qui était à la fois son caractère et sa philosophie, tout cela l’invitait à goûter une vie paisible et rêveuse, un peu paresseuse et molle, animée seulement des velléités de l'esprit. Mais il avait l'âme scrupuleuse; et, « en comparant sa situation