Trois amies de Chateaubriand

8 TROIS AMIES DE CHATEAUBPIAND

ot

à celle de tant d’autres personnes », il trouva que sa destinée « était beaucoup trop doucet »,

Cette inquiétude le troublait, quand il apprit l’état de la comtesse de Beaumont. Il n’hésita guère et, casanier pourtant, il résolut de sortir de chez lui, _ d'aller voir cette jeune femme si malheureuse. Il la rencontra — c'était l'été — devant la cabane de . Dominique Paquereau. Il laborda sans doute avec , timidité; mais bientôt, avec la simplicité d’un cœur - samaritain, bon gentiment, 4 lui offrit l'asile de sa maison : à Villeneuve, expliquait-il, la Révolution n'était pas trop mauvaise; orâce à l'humeur égale et placide des habitants, il n’y avait pas eu, depuis le commencement des jours funestes, une seule dénonciation. C'était et ce fut, ce Joubert, une âme à peu près divine. [l unissait à la plus ravissante pureté de lesprit la plus fine intelligence. Il vécut dans la recherche et le perpétuel souci de la perfection. Si, plus tard et après sa mort, advint à son nom la célébrité d’un ingénieux et profond écrivain, ce qu’il désira, lui, ce n’est pas seulement la qualité littéraire, mais la beauté spirituelle, Et il sut la réaliser, Il était animé de tendresse; mais il avait l'usage de l'abnégation, qui est une délicate élégance du caractère. Il dut ainsi souffrir beaucoup; mais il employait sa souflrance comme un exercice moral et il

1. Notice d’Armand Joubert, réimprimée par M. Vicror GrrAUD en tête de son édition des Pensées de Joubert (Paris, 1909), p. 12.