Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

« MONSIEUR MILET » 151

On comprend dans quelle angoisse vivaient, au reçu de ces nouvelles, tous ceux qui avaient donné des gages au nouveau régime. Nul doute que, si les Princes eussent fait entendre des paroles d’indulgence et d’oubli, leur cause n’eût gagné bien des partisans; mais Brunswick s’était institué leur porte-parole, et il n’annonçait que représailles et châtiment. Les modérés qui seraient venus à résipiscence, si on les y eût invités doucement, se voyant acculés à une situation désespérée, brûlèrent leurs vaisseaux etse jetèrent dans le parti extrème. L'infatuation des émigrés, la folle certitude qu'ils avaient de leurs droits et de leurs succès furent les principales causes de la résistance acharnée qu'ils rencontrèrent.

Chévetel, cependant, hésitait encore. La catastrophe du 10 août avait porté ses amis au pouvoir, et, tandis que la marche de la coalition absorbait tous les esprits, seul, dans l'entourage gouvernemental, il connaissait le danger qui, du côté de l'Ouest, menaçait la Révolution. S'il continue à se laire, il trahit son parti politique; s'il parle, il livre à l’échafaud ses amis de Bretagne : l'alternative était cruelle, mais il l'envisageait de sang-froid, soucieux seulement de son intérèt personnel. Était-il temps de prendre position ? La monarchie élait-elle assez définilivement vaincue pour qu'il n'y eût plus à se compromettre en lui