Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

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puisqu'il parle de ses voyages entre Dol et Dinan : il n'aurait pu, décemment, passer si près de son village sans aller voir son père. Toujours est-il qu'au cours de ses pérégrinations dans cette contrée où il était né, où il avait vécu longtemps et

d'août, nous en avons la preuve (V. P- 166). D'ailleurs la famille Desilles, dont la franchise, nous dirions même la naïveté, mérite toute créance, a certifié que Chévetel Passa en Bretagne la plus grande partie du mois d'août. Nous voyons bien l'intérêt qu'avait Chévetel à intervertir les dates et à brouiller à dessein l'ordre de ses démarches, Il voudrait faire croire que le hasard seul s’acharna à le mettre sur la piste des conspirateurs et qu'il n’attendit pas, pour vendre ses amis bretons, que l'insuccès de la conjuration füt assuré. Mais le simple examen des documents suffit à renverser cet échafaudage de mensonges, maladroitement construit, d'ailleurs, et les dates de ses déplacements doivent être ainsi rétablies : de son propre mouvement il part pour la Bretagne au commencement d'août 1792; nous le savons par le récit de la famille Desilles. En septembre, il retourne à Paris, se rapproche de Danton, revient chez Desilles, fait, pour le compte de la Rouërie un voyage à Jersey, et, dès qu'il apprend la retraite des Prussiens qui ruine les espérances de la Conjuration, il accourt à Paris et dévoile tout à Danton. À cette heure le parti révolutionnaire triomphe, et il n'y à plus à ménager les royalistes, Si tel n'avait pas été son calcul, il n'aurait pas attendu, pour parler, que la fortune se décidât. Ce n'est donc pas le récit de Chévetel, trop justement suspect, que nous prendrons Pour guide en racontant ses agissements: nous ne nous appuierons que sur des témoignages moins sujets à caution ou sur des pièces officielles dont bon nombre, au reste, émanent de Chévetel lui-même : là, du moins, s'il se vantait, son intérêt même lui interdisait le mensonge, et nous verrons qu'il était étroitement surveillé, tant sa duplicité inspirait de méfiance, même à ceux qui l'employaient. Nous glanerons cependant chez lui certains détails qu'il fut seul à connaitre quand nous les trouverons en concordance avec d'autres documents. Ceci soit dit, non point Pour nous excuser de charger la mémoire de Chévetel, mais pour expliquer les divergences de notre narration avec l'écrit qu'il a laissé et qui, étant jusqu'ici le seul récit original qu'on possédât des exploits de ce personnage, a Pu passer pour l'expression de la vérité.