Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

LE DRAME DE LA GUYOMARAIS 245

bouche que pour manger, ce qui sembla mysté-

rieux |. Le 16 janvier*, vers le soir, arrivèrent Fonte-

1. Interrogatoire de Henry Robin.— Archives nationales, W,274.

9, C'est la date indiquée par Casimir de la Guyomarais : à en croire le médecin Lemasson, l’arrivée de Fontevieux et de Chafner devrait être portée au 24. — Archives nationales, W, 274.

[1 nous faut dire aussi que, d’après Robidou (ouvrage cité), Chafner se trouvait encore à Londres le 25 janvier. Cet auteur donne, en effet, une lettre datée de ce jour, que nousallons reproduire, inais que nous croyons apocryphe, ou qui porte, tout au moins, une erreur de date. On a la certitude, en effet, que Chafner se trouvait à la Guyomarais au moment de la mort du marquis, puisqu'il signa son acte de décès. Or il nous parait difficile qu'il ait eu le temps de venir de Londres aux environs de Lamballe, du 26 au 29 janvier. Nous préférons donc suivre, de tous points, le récit de Casimir de la Guyomarais, témoin oculaire, qui concorde, d'ailleurs, avec des documents dont l’authenticité ne peut être mise en doute. Voici la lettre de Chafner citée par Robidou :

« Londres, 25 janvier 1793.

« Il y a très peu de jours, mon cher Monsieur, que je suis arrivé à Londres, et, dans l'ignorance momentanée où je me trouve de la retraite de notre ami commun, je vous écris à l'adresse convenue pour que, sans retard, vous l'arrachiez au plus grand de tous les dangers. J'apprends de la source la plus certaine que le pauvre la Rouërie est vendu; qu'il va être livré ; et à l'heure où je vous écris, peut-être la Convention a-t-elle mis la main sur notre chef. Le Club de la Constitution de Londres, incessamment en correspondance avec les méneurs révolutionnaires de Paris est parvenu à découvrir l'endroit où se cache Armand. On m'assure que c'est par le gouvernement anglais, qui a tant de voies détournées à sa disposition. Il n’y à pas un moment à perdre. Je sors de voir lord Mara. Je lui ai appris toutes ces turpitudes. Il a gardé le silence, auquel sa position officielle l’obligeait ; mais ce silence lui-même est une preuve. Sauvez la Rouërie ; veillez sur Thérèse et sur nos amis, et puissions-nous tous bientôt venger, les armes à la main, la mort du plus vertueux des rois. J'ai mis mon épée et ma vie de citoyen des Etats-Unis au service de la monarchie française : l'une et l'autre ne lui failliront jamais. Adieu.

« CHAFNER. »