Un Agent des princes pendant la Révolution : le Marquis de La Rouërie et la conjuration bretonne 1790-1793 : d'après des documents inédits

38 LE MARQUIS DE LA ROUËRIE

qu'il fut lié avec elle, la Rouërie se rangea : il ne quitta plus ses terres, suivant, du fond de sa solitude, la marche de la Révolution. Il pestait contre l’oisiveté où il végétait, se lamentant de n'avoir point de part aux événements, estimant que la fortune l'avait dupé. Il avait tâté de tout, bravé les préjugés, passé les mers, combattu pour la liberté ; par amour des aventures, il avait goûté des filles de théâtre, du couvent, de la guerre, de la politique, des prisons d'État; il s'était marié pour essayer de la vie régulière... toutes ses tentatives avaient avorté, et, alors que chacun, en France, s’enflammait pour ou contre les idées nouvelles et se préparait aux luttes futures, lui seul, que l’inaction consumait, était réduit, par l'injustice du sort, à demeurer inoccupé et à rester témoin oisif et jaloux de l’activité des autres. Chateaubriand, qui le vit à cette époque, a tracé de lui ce portrait: «Je rencontrai à Fougères le marquis de la Rouërie... qui s'était distingué dans la guerre de l'Indépendance américaine. Rival de la Fayctte et de Lauzun, devancier de la Rochejaquelein, le marquis de la Rouërie avait plus d'esprit qu'eux : il s'était plus souvent battu que le premier; il avait enlevé des actrices à l'Opéra comme le second, il serait devenu le compagnon d'armes du troisième. Il fourrageait les bois, en Bretagne, avec un major américain et accompagné