Un diplomate d'il y a cent ans : Frédéric de Gentz (1764-1832)

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orande influence sur ses idées politiques. Il Fa empêché d’une façon générale de troubler la clarté de sa pensée rationaliste’ par le moindre élément mystique.

1. Dans la première série de ses études sur le romantisme, intitulée Die Probleme der Romantik als Grundfragen der Gegenwart (Berlin 1904), M. Oscar Ewald, à propos du problème de l'Etat, consacre un chapitre à Gentz. Pour montrer qu'il est romantique, M. Ewald insiste beaucoup sur la crainte de la mort que notre auteur a exprimée à plusieurs reprises dans ses lettres. Il y aperçoit un signe de la prédominance chez lui de la foi sur la raison. Mais si nous examinons les choses de plus près, nous verrons qu'il s’agit là plutôt d’une espèce de vertige devant l’abîime du néant que d’une crainte des flammes du purgatoire ou de l'enfer (qui du reste ne cadrerait nullement avec ce que Gentz dit par ailleurs à ce sujet). Il semble bien que le protestantisme rationaliste, la théorie élargie du libre examen ait détaché Gentz de la plupart des dogmes chrétiens ; c'est ce que montre clairement sa correspondance avec Adam Müller. L'emploi de citations bibliques ne saurait faire illusion sur ce point. Les idées religieuses de Gentz ne nous intéressent d’ailleurs que dans la mesure où elles ont exercé une influence sur ses idées politiques. Or, ici le doute n’est pas possible. Gentz n’a jamais considéré l'Eglise que comme une force sociale qui pouvait être l’auxiliaire de l'Etat, mais qui devait lui être subordonnée dans le domaine temporel — le seul qui intéressât Gentz.

Dans tous les cas, le sentiment qu’il éprouve en face de la mort n’a rien à voir avec la crainte chrétienne. Celle-ci, lorsqu’elle atteint certaines proportions, amène les hommes à tout subordonner à l'au-delà. Aïnsi naît la conception d’un gouvernement qui doit nous aider à réaliser notre félicité céleste plutôt qu'à satisfaire nos appétits terrestres, et qui place le salut des âmes au-dessus de tous les biens temporels passagers. De là à Vultramontanisme et à la théocratie il n’y a qu’un pas, et il est vite franchi. Un coup d'œil sur la correspondance de Gentz suffit pour faire voir combien il est toujours resté éloigné d'une telle conception, qui fut au fond celle de son ami catholique Adam Müller.