Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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sera également perdu, je le crains, pour la science.

La vue de la coupole de l'Observatoire m’a engagé à aller sonner à la porte de l’astronome Méchain (1), une ancienne et bonne connaissance. Ne l'ayant pas rencontré, je me suis rabattu chez un des hommes les plus intelligents etles plus estimables de Paris, l'ingénieur Brahl (2), directeur du service des eaux de la ville. Il habite un vieux bâtiment, le Château d’eau, en face de l’Observatoire. C’est un homme de tête et de cœur, savant et lettré; un caractère ferme et libéral, comme l’on n’en trouve que rarement partout. — Je vous ai dit, je crois, que le peintre Gareis expose cette année un beau portrait de Brahl: Gareis est comme l'enfant de la maison chez l'ingénieur; il y loge, y prend ses repas et ne peut assez se louer de l'hospitalité cordiale d’un hôte aussi distingué. Le directeur des eaux est garçon, mais entouré de nombreux parents, parmi lesquels il faut mentionner deux neveux, aides de camp du général Moreau, aussi recommandables par leur instruction que par leur tenue.

Pour en finir avec mes visites lointaines, il m'en reste deux à signaler. L'une chez le général Mathieu Dumas, sénateur, qui loge du côté de l’Arsenal; Dumas est resté aimable et cordial, comme il était pendant son séjour à Hambourg. Il travaille toujours à son Précis des événe-

(4) Reichardt eût trouvé Méchain à peine remis des épreuves par lesquelles il avait passé, de 1791 à 1798, en s'occupant de mesurer l’are du méridien, de Barcelone à Rodez, en vue de la détermination du mètre. De plus, une erreur de latitude sans importance, dont il ne pouvait trouver la cause et pour laquelle il ne voulait se confier à personne, lui pesait comme un remords et avait singulièrement assombri son humeur. Ce souci scientifique a dû abréger ses jours; il est mort en 1805, à soixante et un ans. (V. FoNVIELLE, Mesure du mètre. Paris, 1886.)

(2) Voir page 41.