Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT, 105

par la Convention le décret qui a servi de base à ces progrès. On ne s’est pas contenté de restaurer ce qui existait, on a entrepris des créations nouvelles et mis à la tête des divers départements du Jardin les professeurs les plus éminents en botanique, en chimie, en histoire naturelle, en anatomie, en minéralogie et en géologie. Cuvier, Fourcroy, Lacépède, Jussieu, Desfontaines (1), Lamark, Portal (2) et d’autres sont assistés par des adjoints, des peintres, des dessinateurs, tous VOUS aux sciences naturelles.

Le service d'ordre et de police du Jardin est confié à une compagnie de vétérans, commandée par quatre capitaines et quatre lieutenants.

J'ai trouvé Fourcroy installé dans l’ancien appartement de Lacépède, qui habite maintenant à l'extrémité de la ville, boulevard Montparnasse. Sa femme, qui est phtsique, veut sans cesse changer de place; c’est pour lui complaire que son mari s’est décidé à se loger si loin. Sans mes visites à Lacépède, je ne connaissais pas ce côté de Paris, et j'aurais sans doute continué à ignorer l'existence d’un quartier excentrique, bien aéré et salubre. Mon pauvre ami, qui a traversé si heureusement la Révolution, se trouve aujourd'hui tellement affecté par la maladie de sa femme, qu'il est perdu pour le monde et pour ses amis. Il ne quitte pas le chevet de sa malade, et si la vie de madame (3) se prolonge, son mari

(1) Voyageur botaniste, docte et spirituel professeur.

(2) Le médecin que son ami Buffon avait désigné, dès 1775, pour la chaire d'anatomie au Jardin du rot.

(3) Mme de Lacépède est morte peu de temps après la date de cette lettre de Reichardt. En effet, le 40 janvier 1803, le Premier Consul écrivait à Lacépède : « Vous avez fait une perte affreuse; l'idée de vos peines en est une grande pour moi. Le grand nombre de personnes qui vous aiment partagent votre douleur. » (Citée par A. Lévy, Napoléon intime.)