Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

108 ! UN HIVER A PARIS

mencer une opérette. intitulée : la Pension de jeunes demoiselles. Seize jeunes filles de tout âge, la plupart fort jolies, ont, en effet, paru en scène. Leur jeu n’était pas mauvais; mais leur chant laissait bien à dire, malgré plusieurs belles voix. Les chœurs chantaient tout à l’unisson, et comme aucune des choristes ne chantait absolument juste, vous jugez de l'effet! La salle, gentiment décorée, a deux rangs de loges, avec un amphithéâtre. A l’orchestre, j'ai compté six violons, deux violoncelles, une contrebasse et quelques instruments à vent, parmi lesquels l'inévitable trompette! La physionomie du publie n'était précisément ni française ni parisienne : ôtez quelques sans-culottes malpropres au parterre, plusieurs enfants en béguin dans la salle, et l’on se serait cru devant un public de bourgade allemande. Tout ce monde avait, du reste, une tenue décente.

A l'avenir, je me garderai de classer le Théâtre Louvois parmi «les petits théâtres », maintenant que j'ai vu La petite ville; pièce et comédiens m'ont enchanté. C’est bien « la petite ville » telle qu’elle est; tous les types sont pris sur nature et appartiennent proprement au terroir. Impossible de les confondre avec les habitants d'une grande ville. Et quels acteurs! Le beau Clozel (1), parfait dans son rôle « d’avantageux » et de « bel esprit », est d’un

Bac, que dirigea G. Foignet, concurremment avec celui de la rue de Bondy, dont il sera question plus loin. Ce local devint, plus tard, bal public, sous le nom de Salon de Mars. (Lereuve, Les anciennes maisons de Paris.)

(4) Les Annales dramatiques de 1809 font de Clozel, alors acteur au Théätre de l'Impératrice (association à l’Odéon de l'Opéra italien et du Second théâtre français) le portrait suivant : « Figure intéressante, œil expressif, taille avantageuse. Ces qualités aimables semblaient l'appeler aux emplois d'amoureux: cependant ïl s’est borné à ceux d'incroyable, de militaire étourdi et quelquefois de njiais, dans lesquels il a excellé. »