Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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quer une représentation (le cet opéra; la chose me sera d'autant plus facile, que la direction vient de me donner très gracieusement mes « entrées ». Je me sens disposé à écrire pour elle une partition, aussitôt qu’elle m’aura proposé un joli libretto. C’est là le problème !

Cette dernière semaine théâtrale est à classer parmi les bonnes. L’Opéra-Buffa, dont je n'ai pas dit grand bien jusqu’à présent, a convenablement rendu le Mariage secret de Cimarosa. Il est fâcheux que cette troupe n'ait que trois ou quatre pièces en train, et, dans le nombre, le Mariage secret mérite seul d’attirer le public.

Je viens aussi d’avoir la bonne fortune d'entendre un quatuor organisé par Kreutzer. Il est venu me prendre, un de ces matins, pour me mener chez Sieber (1), mon ancien éditeur. On a joué d’abord un bon quatuor d'Ehler (2), compositeur allemand dont j'ai fait la connaissance; ensuite plusieurs quatuors et quintettes de Kreutzer. Parmi les exécutants, figurait un hautboïste. M. Garnier (3), véritable virtuose, qui ne se produit plus

(1) Sieber (Jean-Georges), arrivé d'Allemagne à Paris en 1758, premier cor à l'orchestre de l'Opéra en 1765, jouait aussi de la harpe: il avait fait entendre cet instrument pour la première fois à l'Opéra, dans l'Orphée de Gluck. Établi plus tard éditeur de musique, 1l a été l’un des promoteurs les plus sérieux du progrès musical en France.

(2) Eler (André), et non Ehler, était un Alsacien venu à Paris vers 1764. Auteur de bonnes compositions instrumentales et musicien érudit, il a légué au Conservatoire neuf volumes in-folio, choix manuscrit d'œuvres des maïtres du seizième siècle. Plus curieux de s'instruire que de se faire valoir, cet estimable artiste se vit préférer Berton comme professeur d'harmonie en 4793. Ce n'est qu'en 1816 qu'il fut nommé professeur de contrepoint à l'École royale de musique, nouvelle qualification donnée au Conservatoire sous le contre-coup des événements politiques. Eler est mort en 1824.

(3) Garnier (François-Joseph), premier hautboïste à l'Académie royale, avait été contraint par les « krachs » de la Révolution de chercher un emploi. Il avait acquis une certaine aisance dans le