Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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passé; tout le monde rivalisait de bonne volonté pour faire valoir un compatriote.

Ïl paraît que Saint-Cloud va avoir son théâtre ; Bonaparte y fait insteller une salle où l'opéra et l’opéra-bouffe alterneront. Il songerait aussi à réparer Versailles : un architecte invité à présenter un devis, en indiquant le temps nécessaire pour les réparations intérieures, qui sont considérables, a répondu qu'il lui fallait deux ans et deux millions. Sur quoi Bonaparte aurait dit qu'il doublerait volontiers la somme, si le délai était réduit de moitié. On parle également de restaurer la machine de Marly qui alimente les eaux de Versailles. Dans le principe, il avait été question de la reconstruire à neuf, et plusieurs architectes s'étaient offerts à entreprendre gratuitement le travail, à la condition qu’on leur abandonnerait l'immense charpente de la vieille machine. Contrairement à ces propositions, on a adopté le projet du ministre se bornant à la restauration, et l'on concède l'entreprise, avec une subvention de plusieurs millions, à quelques favorisés.

Vous voyez que l’on rentre partout dans la vieille ornière ministérielle ;: de toutes parts, d’ailleurs, les procédés de l’ancien régime ressuscitent. Au théâtre, les « préfets du palais » exercent la surveillance que s’attribuaient jadis les « gentilshommes de la chambre ». Dame censure se réveille etétend sa griffe sur les vaudevilles comme sur les livres. Un jeune et spirituel littérateur, M. Dupaty (1), frère cadet du beau danseur du bal Récamier, dont je vous ai parlé, vient d’expérimenter à

(1) Dupaty (Louis-Emmanuel). Le vaudeville avait pour titre : Les Valets dans l'antichambre. H fut repris l’année suivante sous le nom : Picaro et Diego, opérette, musique de Méhul. Dupaty avait collaboré à une feuille humoristique, le Déjeuner, dont les épigrammes n’aga-