Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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ses dépens le retour aux « bonnes et vieilles » coutumes. Il avait persiflé dans un vaudeville le mauvais ton et la gaucherie des parvenus enrichis, qui tiennent ici le haut du pavé. Dès la première représentation, on s’est plaint au Premier Consul, en disant que l’innocent vaudeville est une satire préméditée du nouveau cérémonial officiel. La nuit suivante, Dupaty, appréhendé dans son lit par les gendarmes, a été expédié à Brest et embarqué sur un navire en partance pour les Iles. Lucien Bonaparte, fort sympathique à Dupaty, s’est hâté d’accourir auprès de son frère et lui a fait comprendre le peu de fondement des dénonciations. Enfin, Dupaty a pu revenir, après un internement de six semaines à bord du navire que les vents contraires avaient heureusement retenu dans le port. Ségur (1) a, de son côté, maille à partir avec la censure. Il avait intercalé l'éloge de Henri IV dans un couplet de vaudeville. Invité immédiatement à retirer sa pièce, il a dû prendre l'engagement personnel de ne faire reparaître ni la pièce ni le couplet, sous aucune autre forme.

Le bruit court que plusieurs petits théâtres sont menacés de suppression (2). Cela me paraît invraisemblable ; le gouvernement peut toucher à bien des choses à Paris, je doute qu’il ose s’en prendre aux spectacles.

çaient pas moins « les nouveaux riches » que ne faisaient les couplets du vaudevilliste. Les Turcarets du temps avaient un arriéré de rancunes à liquider contre Dupaty.

(4) Le vicomte de Ségur et Philippon de la Madeleine avaient donné, en juin 1802, au théâtre de la rue de Chartres, un vaudeville, l'Ancien caveau, dans lequel se trouvait un couplet royaliste sur l'air : Vive Henri IV! L’enthousiasme manifesté à cette occasion par le public avait mis la police en émoi.

(2) Il n'y à pas de fumée sans feu. Mais ce n’est qu'en 1806 qu'un décret du 8 juin réduisit le nombre des théâtres.