Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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sante à le voir; je n'ai plus de raison de repousser ses avances courtoises.

J’ai causé assez longuement avec Chaptal. C’est une physionomie presque allemande : poli, doux, calme, il a même un air un peu nonchalant. Notre entretien à porté sur l'instruction publique. Chaptal cherche à obtenir du Premier Consul qu'une partie des jeunes gens élevés dans les prytanées, aux frais de l’État, ne soient pas voués exclusivement à l’armée, mais poussés vers d’autres carrières, suivant leurs aptitudes. Je lui ai exprimé mon regret d'avoir vu cesser la publication des Cours et des Mémoires de l'École polytechnique. Il m'a assuré que cette publication allait reprendre.

Je me suis aussi trouvé en contact avec Fourcroy. Son abord est agréable, son regard plein de feu et de finesse : véritable physionomie française. Son genre alerte ne contraste pas moins avec l’indolence apparente de Chaptal, que ses cheveux noirs coupés à la Titus avec la large téte poudrée et l’épais catogan du dernier. Fourcroy, qui parle fort bien, en termes énergiques et expressifs, est au courant des travaux de nos physiciens et chimistes allemands. Il m’a fait particulièrement l'éloge de Klaproth (1) et de Hermbstadt (2).

Le service était somptueusement ordonné : cinquante à soixante servants en livrée, drap bleu avec revers de velours de même nuance et galons d’or, nombreux maîtres d'hôtel en noir, offraient les plus fins rafraïchissements, avec une profusion et une dextérité irréprochables. Peut-être vous attendez-vous à ce que je parle des

(4) Klaproth (Martin-Henri), chimiste, de l’Académie de Berlin. (2) Hermbstadt, de l’Académie de Berlin, s'est occupé spécialement de chimie industrielle et agricole.