Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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bois, quand il rencontra un individu, en jaquette verte, sortant d’une nacelle et se dirigeant vers le château, sa rame sur l'épaule. L’Anglais l’interpelle et lui demande s’il ne pourrait pas lui faire voir le général. « Maïs oui! C’est moi», répond tranquillement le pêcheur. En ville, l'installation de Moreau passe pour large et confortable : il habite, l'hiver, un hôtel où je compte être introduit prochainement. Bien que je ne désire pas élargir sensiblement le cercle de mes relations, j'ai grande envie de connaître la femme (1) du général. On la dit très douée au point de vue musical.

En fait d'art et d'artistes, je viens de retrouver une ancienne connaissance : Mme Lebrun, la célèbre portraitiste. Je l'avais connue à Paris, dans sa réputation, déjà bien établie, avant 1792; plus tard, je l’ai rencontrée à Rome et à Naples, pendant son exil volontaire; enfin, tout récemment, lors de son retour de Russie, j'ai eu occasion de la revoir à Berlin, où elle a peint les portraits de notre belle reine (2) et de divers membres de la famille royale. Elle m'avait autorisé à mener quelques amis dans son atelier.

Parmi les nombreux portraits de femmes qui y sont exposés, le plus beau et le plus intéressant est, à mon

(4) Mlle Hulot, créole que Joséphine avait fait épouser à Moreau, le 9 novembre 1800, pendant une fugue que le général avait faite à Paris, entre la bataille de Hochstedt et celle de Hohenlinden. La belle-mère, Mme Hulot, menait son gendre. — D’après les Souvenirs, par la baronne de W”” (Paris, 1848), Mme Hulot se serait brouillée, à Plombières, avec Joséphine; elle lui imputait de l'avoir fait « poser » dans son antichambre. Cette brouille n’a-t-elle pas eu une influence néfaste sur toutes les tergiversations de Moreau, dont le * dénouement fut si lamentable? « Où est la femme? » disait le vieux juge.

2) La reine Louise, célèbre par sa beauté et ses démêlés avec Napoléon. Mme Lebrun n'avait fait à Berlin qu'un pastel, d'après lequel fut achevé le portrait à l'huile.