Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

UN HIVER A PARIS SOUS LE CONSULAT. 147

étincelants de broderies, en bas de soie blancs, en souliers à boucles, — dans le nombre, d’étranges figures! Il était mis aussi simplement qu'il doit l’être chez lui : frac brun, culottes et bas de soie noirs, souliers attachés par des rubans, chapeau rond à la main, — l'unique chapeau rond, les seuls souliers noués qui paraissent dans les salons officiels, où, du reste, le général se montre rarement. Son abondante chevelure noire n’était pas frisée à outrance comme celle de la plupart des assistants, mais à peine poudrée et ramenée en arrière par deux tresses retombant sur les tempes et venant se rattacher, dans la nuque, à une courte cadenette militaire.

Sa conversation a été sans prétention : il a beaucoup parlé de chasse et de tout ce qui s’y rapporte, chiens, chevaux anglais et autres déduits cynégétiques; le ministre Berthier et plusieurs généraux, tous grands chasseurs, se sont longuement entretenus avec lui de leur plaisir favori.

Moreau est propriétaire de Gros-Boïis (1), ancien domaine de Monsieur ; il y réside la majeure partie de l’année, s’occupant de pêche et de chasse. Cette belle résidence, à environ six lieues de Paris, au milieu d’un parce de seize cents arpents clos de murs, est entourée par des bois magnifiques. C’est là que le général reçoit quelques amis parisiens, admettant peu d’autres visiteurs, n’ayant jamais autour de lui ce que l’on pourrait appeler « une cour ».

Il est difficile de pénétrer à Gros-Bois. On raconte qu'un Anglais, décidé à connaître le général, s'était installé dans le voisinage, comptant bien l’apercevoir, un jour, partant pour la chasse. Il flânait un matin dans les

(4) Gros-Bois, vendu comme bien national, fut acheté d’abord par Barras qui le vendit à Moreau quatre cent mille francs, quand, après le 18 brumaire, il se retira à Bruxelles.