Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

XII

15 décembre 1802,

J'ai réussi à faire la connaissance de Moreau à la première et très brillante « assemblée » donnée par le ministre de la guerre Berthier.

Moreau m'a semblé un bon et excellent homme ; on ne saurait voir une figure plus ouverte, plus honnête et, en même temps, plus agréable; l’ensemble de son abord est tout à fait sympathique. Il a le teint brun, le visage assez plein et d’un ovale adouci; le nez viril, bien planté, assez fort; ses yeux noirs et clairs regardent droit devant eux ; ses lèvres légèrement sensuelles dénotent la bienveillance. Il a le menton rond, bien modelé, sans que jy découvre des indices de faiblesse; la voix est profonde et bien timbrée. De taille moyenne et ramassée, le général paraît solide et vigoureux; son air calme et posé ne se dément jamais, même quand il parle avec animation. Sa tenue et son costume ont le caractère de simplicité de sa personne : Moreau ne cherche pas, à l'exemple des officiers retour d'Égypte. à allier, d’une façon bizarre, une sorte d’austérité républicaine et antimilitaire, — les cheveux taillés en rond et non poudrés, par exemple, — au luxe d’uniformes mis à la mode par le Consulat. Au milieu de cette affluence de généraux, de dignitaires