Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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reste que le comique Rafanelli (1). Mais ce n’est plus le fin comédien que j'ai connu : il tourne à la charge, on voit trop que son public a changé; du reste, ce théâtre perd la vogue; il était à peu près vide l’autre soir. Il en est de même, il est vrai, pour toutes les grandes scènes, en ce moment; la douceur exceptionnelle de l’arrièresaison retient le beau monde à la campagne; le personnel de la galanterie remplit seul les petits théâtres.

On donne au Théâtre-Français (2) l’Intrique épistolaire de Fabre d'Églantine; son Intrigue est loin de valoir son Philinte : on y trouve des situations plaisantes, mais la trame est lâche et le style négligé. Elle a eu de l'intérêt pour moi par le jeu de Dugazon, qui enlève son rôle de peintre enthousiaste, calqué, dit-on, sur le caractère de Greuze. Une seconde pièce. les Originaux (3) de Fagan, ne m'a amusé que grâce aux travestissements de Dugazon, se montrant tour à tour en faux brave, en sénéchal ignare, en professeur italien gourmand de macaroni, enfin en maître de danse extravagant. Sans l’entrain de

(1) Sur l'initiative du fameux violoniste Viotti et avec le concours d’un intendant, Feydeau de Brou, la salle de la rue Feydeau avait été construite spécialement pour les chanteurs italiens qui y débutèrent le1* janvier. 1791, après avoir été expulsé de la salle des Tuileries. Cette troupe, à laquelle Reichardt fait allusion, était composée des chanteurs Rovedino, Mandini, Viganoni, Rafanelli, que l’on appelait le Préville italien; de Mmes Baletti, Mandini, Marichelli : c'était un ensemble exceptionnel. La catastrophe du 10 août entraïna la dispersion des chanteurs et la ruine de Viotti, qui partit pour Londres.

Démolie lors de l'ouverture de la rue de la Bourse, en 1832, la salle, appelée primitivement Thédtre de Monsieur, fut désignée, après le 10 août, sous le nom de Théâtre français et italien.

(2) Le Théâtre-Français occupait la salle de la rue Richelieu.

(3) Le répertoire de Fagan, imprimé en 1760, se ressent trop des habitudes de cabaret de son auteur, pour jouir du droit de cité aux

niement que venait d’en faire l'acteur Dugazon.