Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

442 UN HIVER A! PARIS

sante de ses deux voix; tout finit par des éclats de rire.

Voici un événement musical d’un intérêt moins vulgaire : on vient de procéder à la répétition générale de l'opéra de Paisiello. Les actes de cette partition ont été si souvent discutés, remaniés, essayés, que je m'étonne que l’on soit arrivé à un résultat. Si le Premier Consul n'avait pas déclaré formellement qu'il voulait que l'opéra fût joué avant Pâques, des mois se seraient encore écoulés. Comme la direction sait que la salle est garnie, dès que l’on annonce un ballet, elle se soucie médiocrement de monter un opéra, surtout lorsqu'il doit entraîner des dépenses considérables, comme cela arrive pour Proserpine, d'après l’ordre exprès de Bonaparte.

Combien je me félicite d’avoir refusé d'écrire la musique de la Colère d'Achille, le poème que m'avait offert la direction! A supposer que mon travail fût terminé maintenant, il me serait impossible de distribuer les rôles aux chanteurs, complètement absorbés par la partition de Paisiello; les ballets et les décors de Proserpine sont à peine disposés, j'aurais donc à attendre un temps infini, avant de pouvoir mettre mon œuvre à la scène, et je serais certain d’avoir contre moi la coterie italienne, qui se vante de l’appui du Premier Consul.

Pas une place n'était vide à la répétition générale. Toute la famille Bonaparte y assistait, à l'exception du Premier Consul, et l’on avait recruté une armée de claqueurs, outre l’innombrable personnel dansant et chantant de l'Opéra. D’ordinaire les auteurs n’admettent à une répétition que les critiques dont l'appréciation les intéresse, ou quelques personnes auxquelles ils tiennent à faire une gracieuseté.

Les auditeurs gagés ont applaudi consciencieusement l'ouverture, qui est très faible, et chacun des morceaux du