Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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tainement meilleure apparence. Continuant notre chemin, nous avons croisé un grand nombre de voitures amenant les acteurs de la Comédie française, mandés pour jouer, le soir même, sur le petit théâtre de la Malmaison. Le Premier Consul avait eu, dans l’après-midi, un autre genre de représentation, à la chapelle des Tuileries : il avait reçu la bulle papale destinée à calmer les scrupules de conscience des acquéreurs de biens nationaux et remis les barrettes aux quatre prélats, revêtus de la pourpre depuis peu. La bulle met fin aux tentatives des anciens propriétaires pour rentrer dans leurs biens, adjugés à vil prix. Il ne reste d'autre ressource aux émigrés ruinés que le service à la cour consulaire ou l'administration. Ils ne paraissent pas mettre grand empressement à prendre un parti (1).

La rentrée en ville s’est faite par un véritable soir

(1) L’empressement, qui fut déjà très accusé dès les premiers jours du Consulat, ne connut plus de bornes lors de la proclamation de l'Empire. L’élite de la noblesse française, au nombre de plus de deux mille, sollicita l'honneur d'être attachée à la domesticité impériale. « Calmez-vous, mon ami, répondit Napoléon à un vieux général étonné d'avoir été introduit près de lui par un Turenne, un Louvois, un Brancas, et ressouvenez-vous que ce sont nos antichambres que vous venez de traverser. Vous vous fâchez de n'y voir que d'anciens nobles; et pourquoi, dites-moi, refuserais-je leurs services, puisqu'il n'y a qu'eux qui savent bien servir? » Les maîtres de cérémonies, les chambellans, les pages, les veneurs portaient en effet les noms de La Feuillade, de Croÿ, de Contades, de Choiseul, de Nicolaï, de Louvois, de Pange, de la Vieuville, de Turenne, de Gontaut-Biron, de Chabot, de Beauvau, de Montmorency, de DreuxBrézé, de Juigné, de Turgot, de Caraman, de Mailly, de ClermontTonnerre, de Chabrillant, de Noaïlles, de Bongars, d’Arjuzon, de Jaucourt, de Monaco, de Broglie, Mercy-Argenteau, Xaintrailles, de La Rochefoucauld, Cambis, d’Aligre, ete., ce qui a fait dire à l’auteur de la Chronique indiscrète du dix-neuvième siècle (Paris, 1825), qu'en ouvrant l’Almanack impérial on croit prendre l'Annuaire de la cour de Versailles. ue