Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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d'été; c’est presque à regret que nous sommes descendus de voiture devant l'Opéra; l'affiche annonçait l'Œdipe de Sacchini et le ballet Don Quichotte, lun plus divertissant par ses cabrioles que l’autre par ses lamentations exagérées. Enfin la première représentation de Proserpine a eu lieu; elle à été ce qu’annonçait la répétition générale. La salle était pleine, moins brillante cependant, comme toilettes, qu'elle ne l’est d'habitude à une première : le grand monde avait dû savoir que Bonaparte n’accompagnerait pas sa famille. La loge de la légation anglaise, visà-vis de celle du Premier Consul, est restée à peu près vide, lord Whitworth n’y a fait qu'une apparition d’un quart d'heure. Les préoccupations politiques dominent depuis quelques jours; on s'attend à la déclaration de guerre.

L'ouverture n’a produit aucun effet; elle n’a rien du grand style Iyrique français et n’était pas digne de l’excellent orchestre. Le premier acte est médiocre: les amis de Paisiello ont dû se démener pour couvrir les chuts. Au second acte, les opposants ont gagné du terrain: ils l'ont emporté au troisième.

Comme chorégraphie, les ballets sont beaux, mais les accompagnements {trop maigres montrent que Paisiello ne se préoccupe aucunement des progrès accomplis dans la musique de danse depuis la réforme inaugurée par Rameau; les nombreux solos introduits dans l’orchestration ne réussissent pas à relever l’ensemble.

La direction a fait de grandes dépenses pour les décors; ils m'ont néanmoins paru mesquins et mal conçus.

La partition est ce que devaient attendre les appréciateurs d’un talent mélodique qui ne se laissent pas aveugler par un enthousiasme irréfléchi. On retrouve dans nombre de passages le charmant compositeur des opéras

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