Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

UN HIVER A PARIS SOUS LE CONSULAT. 453

prescrivit immédiatement de nouveaux changements, même dans le gros-œuvre. Si la dépense est énorme, il faut convenir que Lucien s’est créé une résidence magnifique, d’un goût sobre et délicat, sans clinquant ni « colifichets ».

Sa galerie de tableaux est admirable: il l’a rassemblée en Espagne (1), où se trouvaient, plus qu’en Italie, les merveilles de l’art depuis Raphaël. Outre les tableaux de l’Espagnolet (2), qui a un mérite spécial et qui est à peine représenté au musée, j'ai vu des Pérugin, des Léonard de Vinci, des Raphaël, des Guide et d’autres grands maîtres de l’époque. Ces toiles occupent une salle dont la disposition ne laisse rien à désirer. D’autres salons sont consacrés à des peintres plus modernes : Claude Lorrain, Vernet, David, Gérard et autres; le Bélisaire de David, si magistralement composé, fait bonne figure dans la collection. On construit une aile qui sera affectée aux peintres néerlandais; Lucien fait procéder à des achats dans les Pays-Bas.

Il est encore plus somptueusement dans son château du Plessis (3), près Senlis. A la belle saison, il reçoit une brillante société; trente à quarante invités sont hébergés à la fois, avec leur domesticité. Il donne à grands frais

(1) Pendant son ambassade à Madrid, en 1801.

(2) Le Louvre ne possède de Ribera, dit l'Espagnolet, que l'Adorution des bergers, qui ne donnerait pas la mesure du maitre.

(3) Le château du Plessis-Choiselle, situé dans le village de Chamant, appartenait à Lucien. Il y a fait faire de belles et nombreuses plantations et a consacré une partie du pare au tombeau de sa première femme, Marie-Christine Boyer, qu'il perdit en 1800, pendant qu'il était ministre de l’intérieur. « Un cippe en marbre soutient le buste de la défunte; quatre autres cippes supportent des génies éteignant le flambeau de la vie; des papillons et autres emblèmes décorent le monument, qui porte cette inscription : FILLE, ÉPOUSE ET MÈRE SANS REPROCHE. » (Chronique indiscrète du dix-neuvième siècle. Paris, 1825.)