Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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des représentations privées où il paraît sur la scène en personne et montre un réel talent dramatique. C’est un don qui manque à son frère Joseph, « l’homme le plus boutonné de France ». Joseph laisse à d’autres le soin d'animer la scène de son château de Morfontaine (1), également aux environs de Senlis; il y reçoit beaucoup. Louis habite un hôtel de la rue de la Victoire.

Les sœurs du Premier Consul, Mmes Murat et Bacciochi, possèdent de beaux hôtels dans Paris et des maisons de plaisance. Mme Leclerc, après Lucien la plus riche de la famille depuis son veuvage, avait donné des ordres, avant de s’embarquer à Saint-Domingue, pour qu’on lui trouvât un hôtel plus vaste et plus riche que ceux de ses sœurs.

J'entends souvent raconter des anecdotes sur Jérôme, le marin : il passe pour un garçon joyeux et déluré. Dans une circonstance officielle, il avait tant ri et plaisanté avec un jeune homme de ma connaissance, qu'il attira l'attention du Premier Consul. Celui-ci lui demanda brusquement quelles folies il pouvait bien dire. « C’est que nous disons des sottises au sujet de tout le monde », répondit Jérôme. On assure qu’en Amérique, où il est en station, il fait grande dépense, et, comme il faut là-bas de l'argent comptant, il cherche à négocier un mariage riche (2), au grand mécontentement du Premier Consul, déjà en différend avec Lucien à propos de mariage. À Paris, les membres de la famille Bonaparte trouvent moyen de dépenser sans bourse délier : commerçants el artisans se disputent le privilège d’être leurs fournis-

(1) C’est au château de Morfontaine, acheté par Joseph Bonaparte en 4799, que se réunirent, le 3 octobre 1800, les envoyés des États-

Unis, à l’occasion du traité passé entre la France et l'Amérique. Une fête brillante y fut donnée.

(2) Il n'épousa miss Élisa Patersonn que le 24 décembre 1803.