Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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libre de se montrer sous son vrai nom. Mérival et Floricour se retirent; vous devinez la conclusion! Vivement conduit, ce livret est l’œuvre d’un capitaine du génie, jeune homme très calme d'apparence que j’ai vu maintes fois chez Elleviou; jamais je ne me serais douté qu’il eût du talent pour l'intrigue comique.

On a rappelé l’auteur; mais Chénard s’est avancé sur la scène pour dire : l’auteur désire garder l’anonyme. Le public a réclamé alors le compositeur, et Nicolo n’a pas fait de difficulté pour se laisser applaudir. Il méritait les bravos : sa partition est pleine de passages gracieux; on peut lui reprocher d’abuser de réminiscences de ses propres opéras ou de ceux de Chérubini. Il laisse aussi trop paraître l'intention de donner à sa musique une physionomie nouvelle par des modulations inattendues et une recherche de style un peu affectée.

Elleviou, Martin, Chénard, Gavaudan, Mme SaintAubin ont joué dans la perfection ; impossible de déployer plus de vivacité, de vérité, d’avoir plus d'ensemble. Mme Saint-Aubin s’est montrée, dans le rôle de Lisette, la plus adorable suivante; à la voir sur la scène, jai tout à fait oublié que j'avais eu récemment occasion de lobserver chez elle, au milieu de ses enfants, presque tous déjà grands. Sa fille aînée pourra devenir une cantatrice de mérite; sa voix et son style n’ont frappé, la première fois que je l’ai entendue. On pourrait croire que sa mère, qui a charmé le public dès sa première jeunesse, qui est toujours son idole et qui doit à ses succès de théâtre l’élégante aisance dont elle jouit, devrait être portée à considérer la scène comme la plus belle des carrières. Elle ne veut cependant pas que sa fille s’y consacre entièrement, et j'ai été charmé de les trouver d'accord sur ce point. Mile Saint-Aubin, bonne, raisonnable, remplace