Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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les objets qui font le mieux comprendre l’élévation et la finesse du sens artistique des anciens. Vous connaissez les travaux de Barthélemy, les Monuments antiques de Millin et les autres descriptions de cette incomparable collection; vous savez quelle est ma passion pour ces chefs-d’œuvre. J’aurais voulu vous en voir jouir avec moi, car les reproductions des Daktyliothèques sont insuffisantes pour en donner une idée, même approchante, et les plus habiles imitations modernes sont impuissantes à rendre les originaux. Rien n’est odieux comme le bavardage des prétendus connaisseurs, devant des œuvres que l’on doit étudier ou admirer en silence. Mais on goûte une jouissance exquise, quand on visite cette admirable collection avec un guide aussi obligeant, aussi érudit et sensé que M. Winkier (1), l’auxiliaire dévoué de Millin. C’est une joie pour un Allemand de rencontrer, en pays étranger, un compatriote de ce mérite, gracieux et savant à la fois.

Avant-hier j'ai voulu, pour la dernière fois, assister à la grande audience du Premier Consul. Mais une parade d’une longueur et d’un genre tout particuliers a retardé l'audience de telle façon, qu'après plusieurs heures d’attente, tout le monde a fini par se retirer, à l'exception des diplomates et des étrangers devant être présentés. Tous les militaires en garnison à Paris, jusqu'aux conscrits incomplètement habillés, avaient été réunis en tenue

(1) Winckler (Théophile-Frédéric) n’était pas un Allemand, mais un Strasbourgeois de nationalité française. Réquisitionné en 1793 et venu à Paris comme précepteur, après une longue captivité en Hongrie, il avait été distingué par Millin, qui l’associa à ses travaux et lui procura un emploi au cabinet des Médailles. Mort d'une apoplexie à trente-six ans, en 1807, l'ami de Millin a été un collaborateur zélé du Magasin encyclopédique, et promettait un érudit de premier ordre. Has