Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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de campagne dans la cour des Tuileries ; les grilles étaient fermées, et une consigne rigoureuse excluait même les généraux qui n'avaient pas été spécialement convoqués ; ce n’est qu’au bout d’un certain temps que les envoyés et leur suite ont pu entrer au palais par une porte latérale.

Bonaparte a passé en revue les troupes, inspectant homme par homme. J'aurais été curieux d’entendre ce qu’il a dit aux soldats, auxquels il parlait fréquemment, et m'’édifier sur les observations sévères adressées, dit-on, aux chefs et commissaires au sujet de la mauvaise confection des effets d’habillement ou de campement; il a fallu me borner à regarder de loin au travers des grilles. Son inspection a duré plus de cinq heures, l’audience n’a commencé qu’à six heures; malgré le beau temps, j'avais perdu patience, je n’ai donc pas assisté à cette dernière cérémonie.

J'avais préféré un tour dans le jardin : les tilleuls se couvrent de bourgeons verdoyants et les lilas sont près de fleurir, comme si nous étions en mai. Je voulais d’ailleurs ne pas manquer la dernière conférence du physicien Charles sur l’acoustique. Il est des plus ingénieux pour inventer des procédés démontrant par les yeux, sans le secours des calculs, les phénomènes acoustiques. Pour faire saisir, par exemple, la propagation du son, il dispose sept boules d'ivoire suspendues librement et tangentes l’une à l’autre; il fait ensuite heurter la première contre la seconde, et le mouvement imprimé n’est sensible que dans la dernière boule de la rangée; les intermédiaires, qui transmettent ce mouvement, paraissent immobiles. L’auditoire des dernières conférences était plus nombreux que d'habitude; M. Charles avait invité spécialement tous ses amis qui s'occupent de musique. Les expé-