Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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riences avec un métronome et un piano, devant lequel ont pris place successivement plusieurs artistes, ont démontré l'impossibilité de jouer en mesure, conformément au métronome, à moins de renoncer complètement au style et à l'expression. À chaque quatrième ou huitième battement de l’instrument, la note jouée ne correspondait plus au temps mathématique, et le professeur disait : « Halte! » M. Charles nous a consolés, nous autres artistes, en déclarant que les plus grands virtuoses, Duport, Viotti et autres, n'étaient jamais parvenus à jouer devant lui huit mesures d’accord avec le métronome. Vers la fin de la conférence, en habile et galant homme, il a su persuader à Mme Barbier de rester au piano. Un accompagnateur, qui sait par cœur un des airs de bravoure affectionnés par la cantatrice, s’est trouvé juste sous la main, et la brillante conférence s’est terminée par une charmante audition musicale.

A l’un de ces cours, je m'étais permis de soumettre à M. Charles des observations et des conclusions consignées par notre Chladni (1), dans son livre récent, et qui diffèrent de celles que donne le savant français. M. Charles a semblé embarrassé par ces objections que j'avais peut-être le tort de produire devant ses auditeurs; il a aussi repoussé d’abord mon idée d’un calcul spontané s’effectuant dans l'esprit, à l'audition de la musique, hypothèse qui explique les phénomènes d'harmonie mieux que les raisonnements mathématiques des physi-

(4) Chladni, né à Wittemberg en 1756, avait publié à Leipzig, en 1802, un Traité d'acoustique. D'ingénieuses recherches sur la vibration des ‘plaques et des cordes, le relevé d’une multitude de faits nouveaux en font un prédécesseur estimé de Helmholtz.. En 1808, Chladni, présenté à Napoléon qui s'intéressa à ses travaux, reçut une subvention de six mille francs pour les frais d’une traduction française de son Traité.