Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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ments s'y prépare : menuisiers, ébénistes, tabletiers, serruriers, ciseleurs, ont leurs ateliers spéciaux; dans d’autres parties de la fabrique, on travaille le bronze, on prépare la laque, les peintures, la dorure.

De grandes salles sont pleines de caisses de pianos terminés ; ailleurs, des ouvriers procèdent à l’assemblage des pièces intérieures, sous la direction du maître en personne; plus loin on donne le dernier fini à l'instrument. Des salons contiennent quantité de piano-forte attendant l'amateur ou l'expéditeur ; chaque jour, les emballeurs sont à l'œuvre. Les cours sont entourées de hangars abritant des piles de bois précieux. Un comptoir organisé suivant la méthode anglaise, avec teneur de livres et commis, est affecté à la comptabilité et à la correspondance; la caisse attenante s'occupe des payements, des entrées et des sorties.

C’est dans sa manufacture même qu'habite la famille Érard; son installation a du confort, comme il convient à des citoyens notables d’un pays riche. Chacun des frères a son logis particulier ; Fun, amateur de peinture, à réuni une jolie collection de tableaux. Leur excellente sœur, qui gouverne la maison, habite sous le même toit avec ses filles; son élégant appartement est le rendez-vous habituel de la famille. De vastes salons sont destinés à recevoir les étrangers de distinction qui viennent en personne faire choix d’un instrument. À certains jours, ces salons s'ouvrent aux nombreux amis d’une famille restée fidèle à ces bonnes traditions d’hospitalité française qui s’en vont. À l'occasion du mariage de la fille aînée avec l’aimable peintre Bonnemaison (1), je viens d'assister à

(4) Bonnemaison, bon peintre d'histoire et de portraits, s'était fait remarquer au salon de 1797 par un portrait du célèbre horloger Bréguet, plus tard membre de l’Institut.