Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

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l’une de ces réunions. J'ai été charmé d’y rencontrer plusieurs artistes allemands : notre excellent violoncelliste Romberg (1), dont le talent est très goûté ici; les professeurs et compositeurs Adam, Widerkehr, Pfeffinger (2), et d’autres. Ces messieurs m'ont raconté que le pauvre Della Maria avait été l’un des hôtes assidus de la maison, et qu'il aimait à composer ses jolies mélodies sous les ombrages de la villa de Sèvres, mise à sa disposition par les bons Érard. k

Les jeunes femmes de la famille sont d’agréables chanteuses (3) et des pianistes distinguées. Elles ont installé un comptoir particulier de musique dans une des salles de cette maison, véritable sanctuaire d’'Euterpe.

Ce que je viens de dire peut donner une idée de l’importance de l’établissement. Pour apprécier la perfection des instruments qui en sortent, il faut, comme je l’ai fait, les essayer soi-même. Ils ont toutes les qualités désirables de brillant et de sonorité de toucher et répondent, mieux que les piano-forte anglais, aux intentions de l’exécutant; ces derniers ont peut-être plus de son.

Les frères Érard ont à Londres une succursale importante. C’est l'aîné, que j'ai regretté de ne pas voir, qui la dirige; il réside habituellement en Angleterre.

Cette succursale anglaise est principalement effectée à

(4) Romberg (Bernard), chef de l’école de violoncelle allemande, avait eu, aux concerts de la rue de Cléry et du théâtre de la rue des Victoires, un succès qui l'avait fait appeler, en 1801, à une place de professeur au Conservatoire. Il n’a pas prolongé son séjour à Paris au delà de 1803. Son exécution était remarquable par l'énergie de l'expression et la puissance du son.

(2) Trois artistes alsaciens : Adam (Louis), père d’Adolphe, et Widerkeher, l’un et l’autre professeurs au Conservatoire; Pfeffinger, compositeur distingué et professeur de piano.

(3) Adam (Louis) a publié un Journal d’ariettes italiennes de Mes Érard.