Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt, стр. 390
SOUS LE CONSULAT. 319
pleine d’inventions indignes de la poésie dramatique, d'illusions d’un cerveau malade »! Alzire elle-même est une raisonneuse philosophe; « tout est puéril et sophistiqué » dans le caractère de Zamore. Sémiramis ne présente qu'un étalage théâtral, une vaine pompe, un attirail de terr'eur ;
Le tombeau de Ninus est celui de Voltaire (1),
prononce « le censeur », en citant une épigramme du temps.
Quant aux acteurs que choisissait Voltaire, il ne voulait que des « énergumènes »; il « jouait au colin-maillard avec le public », lequel était toujours la victime aux yeux bandés.
Sa prose personnelle ne lui suffisant pas, l’abbé va chercher des arguments dans un poème auquel travaillait La Harpe sur sa fin. C’est du Triomphe de la religion dans la Révolution française (2) qu’il tire les portraits de Rousseau et de Voltaire :
Rousseau fut parmi nous l’apôtre de l’orgueil : Il vanta son enfance à Genève nourrie,
Et pour venger un livre il troubla sa patrie, Tandis qu'en ses écrits, par un autre travers, Sur la ville chétive il régla l'univers.
J'admire ses talents, j'en déteste l'usage;
Sa parole est un feu, mais un feu qui ravage, Dont les sombres lueurs brillent sur des débris. Tout, jusqu'aux vérités, trompe dans ses écrits, Et du faux et du vrai ce mélange adultère
Est d’un sophiste adroït le premier caractère.
(1) Un ami de Voltaire parodia ainsi cette épigramme : Le tombeau de Ninus est celui de l'envie. (Correspondance littéraire de Grimm, etc., édition Tourneux, ne p. 209 et 220.) (2) Le poème dont Reichardt donne un extrait, sans doute d'après les Débats, a pour titre exact : le Triomphe de la religion, ou le Roi martyr, épopée en six chants; il n’a paru qu'en 1814.