Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt, стр. 391

380 . UN HIVER A PARIS

L'autre, encor plus fameux, plus éclatant génie, Fut pour nous, soixante ans, le Dieu de l'harmonie. Ceint de tous les lauriers, fait pour tous les succès, Voltaire a de son nom fait un titre aux Français. Ce flexible Protée était né pour séduire;

Fort de tous les talens et de plaire et de nuire,

Il sut multiplier son fertile poison.

Armé du ridicule, éludant la raison,

Prodiguant le mensonge, et le sel et l’injure,

De cent masques divers il revêt l’imposture, Impose à l'ignorant, insulte à l'homme instruit :

Il sut jusqu'au vulgaire abaïsser son esprit,

Faire du vice un jeu, du scandale une école.

Il est possible que l’attaque menée par Geoffroi et d’autres journalistes contre les défenseurs anciens et modernes des lumières, de la liberté de la presse et de la pensée, réponde à certaines vues du gouvernement consulaire. On comprend ainsi sa tolérance envers des écrivains qui, s'inspirant toujours de l’esprit de l’ancien régime, prônent sans cesse les nobles et les prêtres autorisés à rentrer en France. Ce qu’ils exaltent surtout dans la conduite de Bonaparte, ce sont les actes par lesquels il se rapproche de l’ancien régime. Pour tenir ce langage, il faut que ces écrivains appartiennent au parti vaincu par la Révolution et soient prêts à tout faire afin de lui préparer les voies du retour au pouvoir. Personne ne saurait blâmer les mesures d'humanité décrétées en faveur de victimes de la Révolution. Mais on peut se demander si la façon dont le gouvernement s’y est pris avec les émigrés à été la plus appropriée pour briser leur esprit de corps et transformer en gratitude envers lui une haine invétérée contre tout régime nouveau. Au début, leur rentrée s’est effectuée sans aucune difficulté; plus tard, on y a mis certaines entraves; actuellement, on traite les émigrés avec un mélange de bienveillance et de