Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt, стр. 406
SOUS LE CONSULAT. 395
de « vieux paysan » dans l’opéra nouveau. La musique de Méhul a de belles parties; j'ai remarqué deux romances d’une mélodie touchante; mais au total, elle ne supporte pas la comparaison avec la partition originale et romantique de Chérubini.
Les critiques en titre n’épargnent pas Bouilly. Geoffroi écrit avant-hier : « La dernière des manœuvres dramatiques va vous faire pâlir, frissonner et fondre en larmes : toutes les commères du quartier se trouvent mal à son mélodrame, mais il n'appartient qu'au vrai talent d’attacher l’esprit et le cœur, de plaire et de toucher par des moyens que l’art et la raison avouent. Tous ces petits marchands de pathétique ont établi depuis longtemps leur boutique au boulevard; ils en fournissent les pantomimes de Nicolet, d’Audinot, de la Porte-Saint-Martin, des Jeunes Artistes, voire même du Théâtre sans prétention ; mais des théâtres comme il faut n’achètent jamais rien à cette friperie, et c’est un guet-apens de réunir à Feydeau la plus brillante et la plus aimable société de Paris pour ne lui offrir que ces guenilles pitoyables, ces vieux lambeaux de romans usés, qui sont l’écume et la lie de la littérature. » Cette fois, le mordant abbé est dans le vrai: je recommande son opinion à ceux de nos critiques allemands qui, même en fait de pathétique, n’admettent plus que le « romantique ».
La Mort de Pompée, aux Français, m’a fait plaisir dans son ensemble; aucun des acteurs en particulier n’a cependant été à la hauteur de la grandeur émouvante de l’œuvre cornélienne. Ni Mlle Raucourt-Cornélie, malgré son imposante fierté, ni Talma-César, très faible dans la circonstance, ni Mile Fleury- Cléopâtre, ne se sont inspirés suffisamment de l’idée hardie du poète faisant de l'ombre de Pompée le personnage qui domine toute la