Vergniaud : 1753-1793

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est logique. Celui qui va bientôt diriger l'Assemblée législative, celui qui, voyant la France trahie par la royauté, l’abattra définitivement, était naturellement désigné pour juger, ainsi qu’il convenait, celui dont la fougueuse éloquence avait, au début, décidé du sort de la Révolution, celui qui, dans l'Assemblée constituante, avait triomphé de toutes les hésitations, avait vaincu toutes les résistances, celui, enfin, qui, au nom de la souveraineté du peuple, avait porté les premiers coups à la toute-puissance de la royauté. Quel intéressant parallèle il y aurait à faire entre ces deux grandes figures! D'une part, la passion débordante, l'inspiration, l'entraînement; de l’autre, l’empire sur soi-même, l’ampleur des idées, l’habileté de composition, le raisonnement implacable. Ne semblet-il pas que le calme et la sagesse de Vergniaud, la noblesse de son caractère, son désintéressement, sa droiture étaient bien faits, si la destinée n’eût pas accablé ce laborieux enfantement de tant de douleurs, pour mener à bonne fin ce que l’ardente imagination et la courageuse initiative de Mirabeau avaient commencé. Nul autre, d’ailleurs, que Vergniaud n’était mieux en mesure de comprendre et de louer celui qu'il devait presque égaler, et cet éloge, écrit en quelques jours, est un chef-d'œuvre d'éloquence.

Je ne veux rappeler qu’un passage, celui où Vergniaud trace, pour l'appliquer à Mirabeau, le portrait du véritable et grand législateur. Ecoutez, Messieurs, et demandez-vous si, dans cette sublime conception, Mirabeau, cette fois, n’est pas dépassé :

« Un législateur ordinaire fait des lois pour une nation, pour un siècle..…., il n'ose s’élancer dans un avenir reculé, il renferme les décrets de sa sagesse dans un nombre déterminé de toises, dans les limites de son empire.